Des romains à nos jours …

L’origine

Aucun écrit, aucune trace formelle n’éclaircit la date de création ou de la fondation de Rocles. Cependant le Charta Vetus -énumération des prêtres du Vivarais- mentionne l’existence de cette paroisse au VIIe ou VIIIe siècle. 

Dès cette époque existait, à Rocles, un antique prieuré placé sous le patronage de Saint Andéol .

En ces temps reculés, quelques familles disséminées sur le territoire y vivaient sous l’autorité d’un maître Gallo-romain ou Helvien et formaient un peuple païen.

La présence romaine ou gallo-romaine peut s’attester par l’étymologie de Rocles qui viendrait du latin roculi, roculorum : lieu de rochers. 

En outre, par leurs terminaisons en « AC », la toponymie de certains hameaux laisse présumer l’appartenance de ces anciennes manses à des vétérans des armées romaines (Bouteillac, Champussac, Blaunac).

La Féodalité

De nombreuses terres passèrent par donation, aux mains des évêques de Viviers, au VIII° siècle le noble Aginus de Valgorge et son épouse Petronilla offrirent à l’Evêché un important domaine comprenant entre autre, la chapelle de Rocles ainsi que les terres alentours.

Trois familles nobles se partageaient les terres de Rocles : la famille des De Rocles, la famille des De Joannas, la famille des De Brison.

Le Seigneur de Rocles est sur sa terre et ses sujets un souverain absolu et ne reconnaît que la suzeraineté de l’Evêque de Viviers ainsi que celle -bien éloignée- de l’Empereur Germanique.

Cette seigneurie fondée par le Chevalier Gilles de Rocles remonte au X° siècle et a brillé pendant quatre siècles. Un des descendants de Gilles -Lionel- preux chevalier se croisa et partit en Terre Sainte combattre les Sarrasins.

Le château féodal, dont il ne reste plus de trace, était situé « sur la montagne de Rocles, à la lisière d’un bois de chêne verts ».

Détruit au XIV° siècle par les Tuchins -révolte survenue contre les prélèvements fiscaux- ou par les Routiers, il fut rebâtit plus à proximité du village. Un incendie ravagea ce dernier en 1731, la modeste reconstruction en fit une simple maison bourgeoise que l’on peut toujours voir de nos jours et encore appelée « château ».

Lors du conflit qui opposa les Comtes de Toulouse et les évêques de Viviers pour la possession des mines de Largentière et accessoirement pour barrer la route au Catharisme, le Seigneur de Rocles, au travers ses liens matrimoniaux avec différents signataires, adhéra certainement à la Transaction (ou Convention) de Jaujac. 

Cette coalition de Seigneurs fidèles à l’Evêque permit à ce dernier de rentrer dans ses droits. En contre partie, l’Evêque concéda des Chartes d’Affranchissements aux mandements et aux cités l’ayant soutenu.

Probablement que dès le XIV° siècle  -et sûrement à partir du protestantisme- Rocles formait une commune gérée par deux Consuls élus pour trois ans par la population.

Le protestantisme

Le protestantisme se répandit très rapidement dans la province, il s’implanta à Rocles au milieu du XVI° siècle. En 1550, les cent cinquante feux qui composaient la population de Rocles, se convertirent en bloc pour suivre en cela leur Seigneur Pierre de Rocles et le Seigneur de Brison qui avaient embrassé la religion nouvelle.

L’église fut ruinée par les Huguenots et des troupes royales campèrent à Rocles pour faire cesser les pillages et les incendies.

Pierre, Seigneur de Rocles retourna dans le giron de l’église en 1622, De Brison le suivit en 1625. L’église fut reconstruite sur les anciens fondements en 1654.

Prompte avait été la conversion au protestantisme, rapide fut le retour au catholicisme.

Le renouveau catholique

De cette époque à la Révolution on notera une intensité de foi, le catholicisme sera omniprésent à Rocles ainsi la cure sera reconstruite en 1692 et deux cloches seront installées dans le clocher-mur en 1714. Profondément catholique, la population ne participa pas à la Révolte des Camisards.

C’est à cette époque que s’implantent les confréries des Pénitents Blancs parmi les hommes et celle du Saint Rosaire parmi les femmes.

Au XVII° siècle, pour maintenir l’ordre, Rocles possédait une milice de cinq hommes tirés au sort tous les ans parmi les Cadets Conscrits.

La révolution

Pendant la Révolution, après un intérêt certain pour participer aux réformes, les habitants se montrent peu perméables aux idées nouvelles.  

Lors de la convocation, pour l’assemblée des Etats Généraux  en mars 1789, à Villeneuve de Berg, Rocles envoie cinq députés : deux pour le Tiers Etat, deux pour la Noblesse, un pour le Clergé.

Après la saisie des biens du clergé et le vote de la Constitution Civile du Clergé, les prêtres de Rocles refusèrent de prêter le Serment Constitutionnel ce qui les aurait coupé de tous liens avec l’Eglise Apostolique et Romaine. La population de Rocles restera fidèle à ce clergé réfractaire et à sa foi. La population cache ses prêtres afin de conserver le culte catholique, Aussi furent nombreux les nouveaux-nés des paroisses environnantes à être baptisés en l’église de Rocles. 

La commune envoya aux  rassemblements contre-révolutionnaires de Jalès -la « Vendée Cévenole »- un détachement de la Garde Nationale -héritière des milices communales-  accompagné de Conseillers Municipaux.

Peu d’hommes répondirent à la « levée en masse » pour défendre les frontières, moyennant quoi les Gardes Nationaux des garnisons voisines procédèrent à des  perquisitions aux domiciles des insoumis. 

Cette réaction entraîna de sévères représailles de la part du « Comité de Surveillance de la Société Populaire des Amis de la Liberté et de l’Egalité » qui sévissait sur Largentière et terrorisait la région.

La pacification –  L’âge d’or

A la signature du Concordat en 1801, les esprits se calment, les écoles rouvrent, la vie civile et la vie religieuse reprennent, l’ordre revient dans les finances, les insoumis rendent leurs armes.

La Révolution est bien finie, Rocles compte alors 800 âmes.

La Chapelle dédiée à Saint François Régis fut bâtie à l’instigation d’un recteur des Pénitents, J-P Constant, entre 1817 et 1820, le clocher date du milieu du  XIX° siècle.

Lors de la réorganisation générale des communes, Rocles s’élargit des hameaux du Vernet, du Jal, de la Leuze et de Freyssinet ; La commune passe de 140 feux à 160. Plus tard en 1832, Blaunac et le Clôt furent rattachés à Joannas.

Cette extension géographique entraîna l’augmentation de la population, une nouvelle église est construite, en trois ans, sur l’emplacement de l’ancienne, un nouveau cimetière est créé, le « couvent » -qui comptera jusqu’à 30 et 40  religieuses- est élevé sur l’ancienne « maison d’éducation », la cure restaurée.

Pour ces travaux, partant des chantiers, deux routes sont aménagées, l’une allant à la Croix, l’autre sur Salavert.

Les écoles, tenues par des religieux et des religieuses, sont « laïcisées » à la fin du XIX° siècle pour les garçons et en 1905 pour les filles.

En parallèle à cette laïcisation, deux écoles laïques sont crées, l’une à la Sauvette en 1885 et l’autre à Blaunac en 1909. Par la suite une école fut  établie à Champussac.

Rocles compte alors environ 740 habitants pour 160 feux.

Le déclin

Le déclin démographique amorcé au milieu du XIX° siècle ne cessera plus jusqu’au dernier quart du XX° siècle où la population tombera  à 175 âmes en 1975.

Quelques causes à cette dépopulation se trouvent dans la pénibilité du travail, les aléas de l’agriculture, les faibles rapports des propriétés. L’oïdium puis le phylloxéra anéantirent le vignoble qui ne produisait qu’un vin de faible alcoolisation et d’une sapidité douteuse ;  Le canal de Suez amène la soie en provenance de Chine à moindre coût et les maladies du ver à soie -la flache et la pébrine- rendent la rentabilité de cette activité incertaine ; Les châtaignes  -petites et cloisonnées- ne soutiennent pas la concurrence d’autres zones productrices et les  maladies du châtaigner -l’encre et le chancre de l’écorce- amenuisent la production ; La mécanisation est très difficile compte tenu du relief ainsi que du manque de capitaux ; Les lois de successions  qui astreignent à un partage équitable entre les héritiers entraînent le morcellement des propriétés autrefois transmises en totalité à l’aîné.

La saignée de la Grande Guerre accentue l’hémorragie démographique, une quarantaine de Roclois, une grande partie de la jeunesse, tombera au Champ d’Honneur.

Les infrastructures, la modernisation, n’ont que tardivement suivi l’évolution générale du pays. L’électricité fera son apparition en 1932, la route de Largentière à Valgorge sera goudronnée par tronçon entre 1930 et 1938. Les derniers chemins vicinaux ne le seront qu’en 1974. 

Il faudra attendre les années cinquante pour que commence l’adduction d’eau, le téléphone arrivera  bien plus tard.

Et maintenant

Pourtant, à partir des années soixante-dix les Cévennes deviennent à la mode et des maisons commencent à être réoccupées ; Le nombre d’âmes évolue, l’école communale en association avec celle de Joannas évite sa fermeture, une boulangerie toute neuve et un bar maintiennent un commerce de proximité, un parc immobilier social offre une capacité d’accueil pour de nouveaux résidants.

Des Roclois ainsi que leurs enfants, qui s’étaient éloignés du pays reviennent passer quelques jours de vacances dans la maison familiale, se ressourcer, reprendre contact avec la terre des aïeuls puis, parfois s’y installer pour passer une retraite paisible.

Des jeunes en rupture de société et en quête d’autres expériences s’installèrent sur les propriétés laissées à l’abandon et acquises à bas prix. De ces communautés de « hippys», accueillies avec défiance par les autochtones, nombre d’éléments dynamiques, s’étant adaptés aux durs labeurs de l’agriculture cévenole s’implanteront durablement et, souhaitons le, deviendront de vrais Rasclo Coutoumbré.